LES PHÉNICIENS 1




Création le 12 août 2017   

Modification 1 le 17 août 2017

Modification 2 le 15 janvier 2022  (illustrations en fin de l'article)

Reporter et journaliste de télévision, Gerhart Herm a retrouvé et suivi les traces des Phéniciens. Raconter la formation, l’essor phénoménal puis le  déclin de ce petit peuple, ou plutôt ces peuples hétéroclites, c’est raconter une des entreprises les plus extraordinaires de l’histoire humaine.

En 1976, date de parution de son livre « Les Phéniciens, l’antique royaume de la pourpre », les recherches au Portugal et en Bretagne n’avaient pas été entreprises. Au VII ème Congrès des Études Phéniciennes et Puniques qui s’est tenu à Hammamet (Tunisie) le 14 novembre 2009, nous avions attiré l’attention des congressistes sur les nombreux indices révélant le passage des Phéniciens venu échanger produits méditerranéens contre le plomb et l’étain alluvionnaire bretons. En 1976, Gerhart Herm pouvait dire, page 259, « Jusqu’à aujourd’hui, les archéologues n’ont rien trouvé qui permette de conclure … à des liaisons commerciales directes entre Carthage et les îles Britanniques. » 


Depuis, les fouilles d’ Ouessant, la découverte d’une statue de Tanit à l’embouchure de la Vilaine, et beaucoup d’autres indices montrent que si les Carthaginois n’ont pas établi eux-mêmes une ligne commerciale directe, ils l’ont fait par l’intermédiaire des Osismes, des marins qui peuplaient l’actuel Finistère. Combien de Finistériens habitant dans des communes littorales dont le nom se termine par "gat" sont leurs descendants génétiques ?

LES MEILLEURS NAVIGATEURS DE L’ANTIQUITÉ

Ils découvrirent la quille (des bateaux) et construisirent des vaisseaux de guerre et de commerce pour la navigation en haute mer. Ils naviguèrent dans tout le bassin méditerranéen, atteignirent le littoral africain et, deux millénaires avant Christophe Colomb, auraient débarqué sur les côtes du Nouveau Monde.

DES COMMERÇANTS HABILES QUI EXCELLAIENT DANS L’ART DES NÉGOCIATIONS

« Aucun ne faisait de tort à l’autre » rappelle à leur sujet Hérodote. Ils étaient les organisateurs d’un empire commercial étonnamment moderne qui ne reposait pas sur des grandes masses continentales mais sur une flotte et sur un système de relais bien assurés.

DES INGÉNIEURS ET DES ARCHITECTES INVENTIFS

Maîtrisant les techniques les plus modernes, ils construisaient leurs villes dans la mer pour mieux les protéger. Ils bâtirent le Temple de Jérusalem et, 2 000 ans avant Ferdinand de Lesseps, percèrent une voie navigable à l’emplacement actuel du canal de Suez. Ils exploitèrent de façon géniale leurs matières premières : avec le sable, ils inventèrent le verre ; dans la mer, ils trouvèrent les murex pour la production de la pourpre.


UN BILAN INTELLECTUEL IMPRESSIONNANT

Aux Grecs qui les admirèrent, puis les détestèrent, ils léguèrent - entre autres - des dieux comme Héraklès et Aphrodite, et l’alphabet.

Voici les Phéniciens !


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Le livre débute « à la James Bond » : Alexandre le Grand est avec son armée sur la terre ferme devant l’île de Tyr et dit à ses généraux : « Ce sera une digue ! ». Que s’est-il passé ?

Les Macédoniens qui venaient de battre leurs adversaires perses étaient sur le point de faire marche vers l’Égypte. Les cités phéniciennes étaient priées de coopérer avec les troupes qui avançaient. Les petites plus fermement que poliment, les grandes très poliment, Tyr avec le maximum de ménagement.


Les messagers d’Alexandre y expliquèrent que le souverain n’avait pas du tout l’intention de prendre la cité mais seulement d’apporter une offrande à la divinité tutélaire du lieu, Melqart, dans son sanctuaire principal. Les édiles de Tyr avaient froidement fait savoir qu’ils ne s’estimaient malheureusement pas en mesure de le recevoir à l’intérieur de leurs murailles, mais qu’il pouvait honorer leur dieu au bord de la mer.

 Réponse témoignant d’une arrogance fracassante alliée à une indescriptible bêtise à l’attention du chef  de la plus puissante armée du monde … Simplement d’une part les Tyriens ne voulaient pas être entraînés dans le conflit perso-macédonien avant que le vainqueur n'apparût de façon indiscutable, d’autre part ils ne croyaient pas que le roi, avec son armée de terre, put être réellement dangereux. En effet le centre de Tyr se trouvait sur une île puissamment fortifiée séparé du continent par un canal large de 600 mètres. Nabuchodonosor II avait bien échoué, pourquoi pas Alexandre ?




La presque île de Tyr de nos jours


Pour mieux faire coopérer son armée, Alexandre avait pris soin d’ajouter que la révélation de la digue avait été faite en songe par les dieux ! Pendant sept mois, les guerriers se transformèrent en terrassiers. Malgré une résistance désespéré, la ville fut prise. Alexandre déchaîna sur elle une terreur exemplaire : deux mille citoyens furent crucifiés, trente mille femmes, enfants et vieillards furent vendus comme esclaves …
 

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On peut faire remonter l’origine des Phéniciens aux bédouins du Sinaï qui rencontrèrent en Mésopotamie des populations laborieuses qui développèrent l’agriculture, comme les Sumériens à tête ronde dont certains historiens placent le lieu d’origine en Inde. La division du travail s’effectua dans des collectivités qui se transformèrent en villes au centre desquelles les tours à étages étaient appelées ziggourats. Abraham naquit dans une de ses villes appelée Our des Chaldéens.

L’autre grand centre culturel de l’Antiquité s’était développé dans la vallée du Nil, dont la capitale était Memphis. Pour se défendre contre les tribus pillardes des Sémites, les Égyptiens construisirent sur l’emplacement de l’actuel canal le « Mur du Prince ».

L’ainé des fils de Noé, Sem, fut promu par l’Europe du XVIII ème siècle ancêtre des Sémites. Par manque de nourriture dans une région semi-désertique surpeuplée, les Sémites envahirent les zones dites du croissant fertile. Au cours des deux millénaires, ces invasions ont marqué les terres d’immigration de l’empreinte sémitique qu’elles portent aujourd’hui encore. 

En refluant du littoral méditerranéen, les Amorrites conquirent vers l’an -2000 la Mésopotamie et l’une de leurs dynasties fit de la petite ville de Bab-Ilou, « porte de Dieu » une des plus célèbres de l’histoire : Babylone.

Une partie des Amorrites se fixa en Palestine et dans ce qui allait devenir la Phénicie. Le grec phoinikes peut se traduire par « ceux du pays pourpre ». Les Phéniciens se donnaient le plus souvent le nom de Cananéens (dérivant de l’akkadien "pourpre").

La science moderne a découvert les Phéniciens relativement tard, grâce à une action militaire de Napoléon III. En 1860, les Druzes massacrèrent en Syrie leurs compatriotes chrétiens Maronites. Napoléon III envoya un corps expéditionnaire, et pour imiter son oncle lors de l’expédition d’Égypte, il demanda à l’orientaliste Ernest Renan d’accompagner les troupes.


Ernest Renan

Ruines de Byblos
Temple de l'Obélisque à Byblos

 Une seule ville intéressait ce dernier : Byblos (dont le nom signifie en grec le papyrus), d’où dérive Bible … À son emplacement, une misérable bourgade Djebaïl. Il découvrit des blocs de pierre portant des hiéroglyphes égyptiens cimentés dans les murs des maisons. Découverte la plus importante : un bas-relief représentant la déesse Baalat-Gebal (la dame de Byblos), reine du ciel, ou terre-mère phénicienne.


Pierre Montet
 
Les travaux de Renan ne furent repris que plus d’un demi-siècle plus tard, en 1919, par l’égyptologue Pierre Montet. En 1922, les ouvriers arabes le réveillèrent, très excités. La pluie avait provoqué un glissement de terrain. Une petite excavation apparaissait : c’était une tombe. Et elle n’était pas  vide !

Et il y en avait neuf en tout, dont quatre avait été visitées. Et la plus spectaculaire : la tombe d’Ahiram, roi de Byblos.

En 1930, les autorités françaises achetèrent toutes les maisons, et les découvertes permirent de dater Byblos d’au moins 3000 avant J.-C. Dunant, successeur de Montet trouva des traces de feu dans le temple de Baalat. 


Venues du Sinaï, les hordes nomades vers 2200 s’emparèrent de Byblos. Les deux peuples fusionnèrent et devinrent les proto-Phéniciens.

Pour les Égyptiens, le Liban était le pays des cèdres, bois de constructions, mais aussi essences dont l’huile servait à humecter les bandelettes qui entouraient les corps destinés à la momification. Mais Byblos devenait trop puissante aux yeux des Égyptiens qui traversaient une grave crise.

C’est alors que surviennent les Indo-européens, les Hyksos, inventeurs du char de combat. Mais ils sont défaits par Ahmôsis, qui fonde le Nouvel Empire et en profite pour taxer le bois phénicien. En 1377, Aménophis IV s’intéresse plutôt à Aton, le dieu unique et est surnommé Akhénaton, « gloire à Aton ». Deuxième invasion indo-européenne, celle des Hittites d’Anatolie, qui s’emparent du Liban que Akhénaton laisse tomber. Son gendre, Toutankhamon rejette la doctrine du dieu unique et renoue avec la province cananéenne. Les Ramsès se battent contre les Hittites, Ramsès II pousse jusqu’à Damas. Suite à la bataille de Qadech, il se réconcilie avec son adversaire, et épouse une de ses filles.

ULYSSE ET ACHILLE, PRÉCURSEURS DES PHÉNICIENS

Roublards, commerçants, inventifs, les Phéniciens sont maintenant connus comme de grands marins. Brusquement, ils construisirent des bateaux à quille. Pourquoi ? Vers 1200 avant J.-C. apparaissent les « peuples de la mer »  qui s’unissent aux Cananéens, et la fusion produit les Phéniciens. Qui étaient ces peuples ? Les historiens s’entendent sur les Philistins, très grands, qui habitait une région appelée Philistaia par les Grecs et actuellement Palestine. Une partie des Philistins descendait des Achéens grecs : Goliath aurait pu être un descendant d’Achille ou d’Ulysse … Mais aussi des peuples du nord, maitrisant la métallurgie du fer.

On a souvent reproché aux Phéniciens de s’être tus sur leur propre histoire. Ils ont laissé ce soin à la Bible ! Accompagnement maritime jusqu’au royaume de la reine de Saba, énorme industrie du cuivre sur la rive du golfe d’Aqaba, construction du temple de Jérusalem …


Mais nous avançons une autre hypothèse : ce ne seraient pas les Phéniciens qui auraient découvert le royaume de la reine de Saba, mais plutôt le contraire, au vu des connaissances maritimes antérieures des marins omanais : 

Navigation omanaise 2500 ans avant J.-C.


http://caucasekersco.blogspot.fr/search/label/a%2026%20-%20OMAN%20ET%20LA%20MER%202

 Et, par conséquent, les connaissances des Phéniciens en matière de navigation en haute mer proviendraient des Omanais ... Il y aurait eu deux sortes de "peuples de la mer", ceux venus du nord, les ancêtres des Vikings, aussi bien par la Manche que par la Russie, à laquelle ils ont donné le nom "Rus". L'autre "peuple de la mer" aurait été celui des Omanais qui commerçait avec la civilisation de l'Indus.

http://empirkersco.blogspot.fr/search/label/a%2045%20-%20LA%20CIVILISATION%20DE%20L%27INDUS

Au temps de la domination hyksos, leurs ancêtre étaient entrés dans le pays du Nil dont les occupants, qui leur étaient apparentés, les avaient accueilli à bras ouverts. Leur cheikh, appelé Joseph ou Jehusiph, parvint aux charges les plus élevées. Mais quand vers 1570 avant J.-C. le pharaon Ahmôsis chassa les Hyksos,  ils tombèrent en disgrâce, et furent parqués dans des camps de travail. Les autorités de ces camps les appelaient « Aperou », terme qui désignait sans doute la plus basse couche sociale. Dans la Bible, il est devenu « hébreux ». Ils quittèrent le pays au cours d’un exode spectaculaire. Celui qui guidait ces hordes de miséreux s’appelait Moïse. Après la traversée du désert du Sinaï, on les retrouve dans les hauteurs à l’ouest du lac de Tibériade. Cette migration était pacifique, et des contacts furent repris avec les Phéniciens. Le livre des Rois cite même une femme qui alla en Phénicie, y épousa un forgeron et lui donna un fils qui allait devenir célèbre par la suite.

De qui s'agit-il ? Vous le saurez dans un prochain article, cette fois-ci dans la rubrique "Moyen Orient".