LA ROUTE DE L'ÉTAIN



Modification 1 le 12 mars 2015
Modification 2 le 18 mars 2020 (en fin d'article)

Une des teintures organiques les plus chères de l’antiquité reçoit son nom de la Purpura Lapillus et du Murex Brandaris, une espèce de crustacé qui produisent des sécrétions de teinture pourpre, aussi appelée Pourpre Impérial. Traditionnellement employé pour décorer les habits d’empereurs et de rois. Il faut 10.000 exemplaires de ce coquillage pour obtenir 1 gramme de colorant.


Pour en venir aux Phéniciens, habitants de Tyr, ceux-ci se faisaient appeler les « hommes rouges » provenant de l’immigration des Himyarites qui constituaient dans l’antiquité du XXème siècle avant J.-C. au Vème siècle de notre ère le groupement ethnique et politique le plus célèbre de l’Arabie du sud. Ils occupaient l’actuel Hadramaout et leurs territoires s’étendaient d’Aden (Yemen) à Mascate (Oman).

Ville de l'Hadramaout

 Les Omanais étaient des marins émérites. Ils ont fait les premiers les routes maritimes entre l’Orient et l’Occident. Ce sont eux qui ont transporté la Reine de Saba venue faire un petit coucou au Roi Salomon.

http://caucasekersco.blogspot.fr/search/label/a%2025%20-%20OMAN%20ET%20LA%20MER

Donc les Phéniciens poursuivent les traditions maritimes omanaises en mer Méditerranée. Ils pousseront au delà des Colonnes d’Hercule leur recherche d’or et d’étain, avec deux expéditions peut-être commanditées par les Pharaons d’Égypte :


Les Phéniciens et les Hébreux étaient voisins et amis.


**********************************************

 Grand organisateur de conférences, et conférencier émérite lui-même, Jean Mazel a deux passions : les Phéniciens qu’il a cherchés jusqu'en Grande Bretagne, et les Marocains qu’il a trouvés ... au Maroc.


Après avoir franchi les « colonnes d’Hercule » renommées "détroit de Gibraltar", les Phéniciens avaient affaire au « peuple de la mer » dont on ne sait rien, sauf qu’ils ont envahi pendant un temps les rivages méditerranéens jusqu'en Egypte. Sans doute ils étaient aussi les architectes des dolmens, des menhirs et autres tumulus, et dont les descendants ont pu être les Vikings … Grâce à ce genre de contacts plus ou moins guerriers, on savait que les armes et cuirasses des peuples nordiques contenaient de l’étain; il suffisait d’aller chercher ce métal. Mais il n’y avait pas que cela.

« On dit que les premiers Phéniciens qui arrivèrent par mer à Tartessos en ont rapporté - en échange de l’huile et de la pacotille qu’ils avaient avec eux - un tel chargement d’argent qu’il leur était impossible d’en embarquer davantage ; alors même ils fondirent en argent tous les objets usuels du bord, et jusqu’aux ancres » (Timée) - Le Timée (en grec ancien Τίμαιος) est un personnage des derniers dialogues de Platon. Écrit vers -360 . 

Dès la Renaissance, le Timée influence toute la culture occidentale (on essaie notamment de localiser l’Atlantide). 

Au début du XXIe siècle, les chercheurs eux-mêmes restent partagés entre les tenants d'une Atlantide de pure fiction (les hellénistes et une partie des historiens de l'Antiquité) et les partisans d'une lecture du récit de Platon ancrée à des événements réels (certains historiens de l'Antiquité et certains archéologues).

Vers -1200, les Phéniciens fondent Gadès, devenue, en espagnol, Cadix, et comme d’habitude sur une île devenue avec le temps une presqu’île. En premier lieur pour des échanges de marchandises, mais aussi «  à quatre jours de navigation de Gadès, les Phéniciens pêchaient des thons immenses trouvés à marée basse dans une zone encombrée de joncs et de sargasses. Ces poissons étaient mis en conserve et envoyés à Carthage. »

Tartessos était-il un mythe ou une réalité ? Des images aériennes du delta ensablé y révèlent une structure rectangulaire qui pourrait être un temple. Dans la Bible, Tartessos est évoquée sous le nom de Tarsis, ou Tarshish. C'est le seul lieu de la Méditerranée occidentale à y être évoqué, et c'est au large de ses côtes que serait situé l'épisode de Jonas et du "gros poisson ».

Comme beaucoup d’autres Jean Mazel s’est intéressé à Tartessos et écrit en 1973 dans son livre : « On m’a remis des brochures et des dossiers confidentiels. J’ai questionné, dans les villages, des paysans qui avaient des secrets à révéler … Très vite, je me suis rendu compte que les recherches étaient très difficiles, car par le jeu des alluvions venant du Guadalquivir (Oued el Kebir) et du Guadalete, toute la région comprise entre les deux fleuves a considérablement changé depuis des millénaires. » 



 Et il donne une carte où sont indiquées plusieurs implantations possibles. Mais Lebrija, à 50 kilomètres de l’actuelle baie de Cadix, aurait pu être cette capitale. À Lebrija a été trouvé un étonnant trésor composé de six magnifiques candélabres en or. Non loin de là, a été découvert, à l’occasion de travaux effectués par la Société de tir aux pigeons de Séville, un autre trésor connu sous le nom de « trésor de Carambolo. »

Le  site « Mystères du monde » développe cette recherche qu’on consultera avec intérêt :




http://www.mysteresdumonde.fr/categ/archeologie/67-tartessos.html

Y compris sur l’Atlantide :

http://www.mysteresdumonde.fr/categ/archeologie/47-altantide-la-solution-oubliee.html

Jean Mazel poursuit : « Comment expliquer l’ évanouissement quasi total de Tartessos ? D’après le savant Pena Basurto, les Tartessiens se sont révoltés en 197 avant J.-C. contre les Romains qui s’étaient rendus maîtres du pays en occupant Gadès et le sud de l’Espagne, dès 206 avant J.-C. La résistance, commandée par Istalamio aurait été écrasée en 195 et Tartessos détruite, perdant jusqu’à son nom. Dans les environs de la cité supprimée, Rome établit alors le grand camp militaire de Cérès devenu Jerez."

Quoiqu’il en soit, les Phéniciens « savaient » que l’étain se trouvait plus au nord. Donc cap au nord.

Aucune découverte archéologique ne permet de prouver la présence authentiquement phénicienne en Bretagne, même si la présence « méditerranéenne » a été révélée  à faible dose par les fouilles de l’île d’Ouessant dans un périmètre tout aussi faible, et non construit. A conrario, personne n’a pu prouver que les Phéniciens n’étaient pas venus en Bretagne, alors que les Phocéens de Pythéas ont y laissé sur leur passage un statère en or …


http://phenicienkersco.blogspot.fr/search/label/5%20-%20LE%20STAT%C3%88RE%20DE%20PYTHEAS

Les Vénètes et les Osismes, s’ils avaient su écrire, auraient été d’un grand secours. Mais c’est César qui s’en charge dans les Commentaires de la Guerre des Gaules, document écrit non à titre d’historien, mais pour justifier auprès de Rome le bon usage des Légions qui lui avaient été confiées gratuitement. Livre III : « Ce dernier peuple est de beaucoup le plus puissant de toute cette côte maritime : les Vénètes possèdent le plus grand nombre de navires, avec lesquels ils trafiquent en Bretagne et surpassent les autres peuples par leur science et leur expérience de la navigation ; ils occupent d’ailleurs sur cette grand mer violente et orageuse le petit nombre de ports qui s’y trouvent et ont pour tributaires presque tous ceux qui naviguent habituellement  dans ces eaux. » La description que César donne des bateaux vénètes correspond presque parfaitement à celle des navires phéniciens. On peut donc songer à une « interdépendance. »

On voit mal les Phéniciens établir des comptoirs en Bretagne, alors qu’ils existent déjà ! Il leur suffit de négocier avec les Indigènes qui se chargeront de rassembler l’étain alluvial de la baie du Morbihan ou provenant de mines terrestres gauloises.



Autre piste : les callaïs. Ce sont, dit Pline l’Ancien, " des pierres que l’on taille pour leur donner la forme convenable. D’ailleurs elles se cassent aisément. Les plus estimées pour leur couleur sont celles qui ont la couleur de l’émeraude. Plus elles sont belles, plus elles perdent leur couleur par l’huile, les parfums liquides et les vins … Au contraire les moins belles se conservent mieux. »

Pour le grand archéologue Louis Siret, les bijoux de callaïs que l’on trouve en Europe occidentale, innombrables en Bretagne, ne peuvent venir d’Orient et sont liés à l’exploitation de l’étain. On retrouve de tels bijoux en Espagne. Et Mazel de conclure avec Siret : « On peut admettre que c’est avec l’aide des navires et des marins ibères que les Phéniciens exploitèrent la côte occidentale de l’Europe. » On peut rajouter qu’il en a été de même avec les Vénètes.

Pauvres Vénètes (ou Phénicio-Vénètes) : César, victorieux, fit mourir le Sénat et vendre le reste. À qui ? Pourquoi pas aux Italiens du nord ? D’où le nom de Venise et du « blond vénitien ». Autre hypothèse : lors de l’invasion de la Gaule par Attila en 452, l’histoire  veut que les Vénètes aient quitté leur pays en grand nombre … Est-ce par pur hasard que les doges avaient pour coiffure d’apparat un bonnet replié en avant comme celui des Phéniciens ?

Ensuite Jean Mazel continue sa recherche en Grande Bretagne. Strabon affirme : « Les Phéniciens de Cadix commerçaient avec les Cassitérides. » (III,176). Strabon, né à Amasée dans le Pont en Turquie vers 64 av. J.-C, mort entre 21 et 25 après J.-C., est un géographe grec. Grâce à ses nombreux voyages, il participe également à l'élaboration de la liste des sept Merveilles du monde.

Mais où étaient donc les Cassitérides ? C’est aussi mystérieux que « Mais où est donc Ornicar ? » Nous citons Jean Mazel : « On désigne généralement sous le nom de Cassitérides les îles du sud-ouest de l’Angleterre, autrement dit le groupe des îles Scilly, communément appelées Sorlingues en français … Aviénus déclare dans ses Ora maritima : Tartessiens et Carthaginois commerçaient en direction du nord aussi loin que les Ostréymnides."




 Les Ostréymnides correspondent aux différentes îles de Bretagne. Nous empruntons au site :

http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/oestrymnides-iles-stanniferes-du-golfe-de-gascogne-et-de-la-manche-8186.htm

la définition suivante :

"Oestrymnides - Îles mentionnées par les seules Ora Maritima d'Aviénus (v.88-143), relatant le périple du Carthaginois Himilcon. Situées entre le golfe de Gascogne et la mer Celtique (Œstrymnicus), à une faible distance des îles britanniques, elles pourraient n'être en rien différentes des Κασσιτεριδας (Cassitérides) des auteurs greco-latins. Elles étaient, en effet, caractérisées par d'importants gisements de plomb et d'étain, ce qui faisait leur richesse. Il serait vain de rechercher une identification précise à ces îles. La notion d'îles Œstrymnides ou Κασσιτεριδας désigne certainement, indifféremment l'ensemble des îles stannifères comprises entre la péninsule ibérique et les îles britanniques. "

Si Ouessant est le pays des Œstrymni, elle peut aussi être considérée comme une « île sacrée » d’après les récentes fouilles.



Nous penchons donc pour l’idée que le nom de « Cassitérides » était un nom générique qui s’appliquait à toutes les îles qui contenaient des gisements d’étain. De même que l’on dit les Indes, les Antilles, les Amériques … et qu’il était donc impossible de les localiser ponctuellement.

Jean Mazel se rend ensuite à la « City » et, dans le grand hall du Royal Exchange, admire un tableau du XIXème siècle qui présente des Phéniciens luxueusement habillés débarquant avec leur marchandises au milieu des Anglais à moitié sauvages, vêtus de peaux de bêtes. It se retrouve deux jours plus tard à l’extrêmité de la presqu’île de Cornouailles, face au St Michael’s Mount. Jusqu’en 1850, il y avait en Cornouailles une centaine de mines d’étain en activité. Entre 1860 et 1870, la découverte des mines d’étain d’Amérique du Sud entraîna la déconfiture de presque toutes ces mines.

On a retrouvé dans les parages quelques pièces de monnaie, l’une humide du II ème siècle avant J.-C., plusieurs gauloises et aussi une cypriote du I er siècle avant J.-C. Par ailleurs une étonnante découverte a été faite dans le tumulus de Cairn Creis : dans ce tumulus on a trouvé des perles de faïence bleue, verte et brune dont la matière et le modèle ont fait leur apparition en Egypte pendant la XVIIème dynastie.




Après avoir parcouru terres et mers, la conviction profonde de Jean Mazel est celle-ci :

« La plupart du temps les Phéniciens n’achetaient pas directement le minerai. Ce dernier devait voyager par petits cabotages successifs, par portages à travers la Bretagne. Les navigateurs vénètes et ibères devaient assurer une partie importante de ce trafic qui aboutissaient à Cadix, après que de nouveaux intermédiaires gaulois ou galiciens, de nouveaux péages aient grevé lourdement le prix final de la précieuse matière première.

Alors comme le feraient aujourd’hui de grandes compagnies commerciales, afin d’éviter les cascades d’intermédiaires et de stabiliser les cours, il est tout à fait pensable que les Phéniciens aient tenté, au départ de Cadix, ce que j’appellerai des opérations « court-circuit ». De temps à autre, un raid direct, histoire de faire baisser les cours. 
»


*******************

Mais les Algériens de la zone côtière ne sauront jamais assez qu'ils ont plus d'ancêtres d'origine phénicienne que d'origine arabe. En effet, les Phéniciens faisaient volontiers escale lorsqu'ils abordaient une île près de la côte. On en compte une quinzaine en Algérie. Ci-dessous une photo, que nous avons prise en Kabylie, d'une série d'outres (huile ou vin), destinées à l'exportation. Et comme les Phéniciens n'étaient pas de bois ...