L'ÉTOILE DES BRUMES

 Création le 24 septembre 2013

Aviénus, Ora Maritima, v112-118 - Traduction de C. L. F. Panckoucke (1843) (modifiée) : « C'était la coutume des Tartessiens de faire du commerce sur les limites des Oestrymnides : de même les colons de Carthage et la multitude répandue autour des colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar) visitaient ces mers. Le Carthaginois Himilcon, qui rapporte avoir fait lui-même l'expérience de cette navigation, affirme qu'on peut à peine les parcourir en quatre mois : ainsi nul souffle, ne vient pousser le vaisseau, ainsi les eaux de cette mer paresseuse demeurent immobiles".


Utique (عُتيقة) est un site archéologique localisé à l'emplacement d'une ancienne cité portuaire fondée par les Phéniciens dans l'Antiquité. Il est situé au nord de l'actuelle Tunisie, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Carthage, dans le gouvernorat de Bizerte.
En latin Utica, son nom signifie « ville ancienne » en langue punique (sens identique à celui de son nom arabe) ; celui-ci est à opposer à celui de Carthage, signifiant « ville nouvelle »

 
Le capitaine carthaginois Himilcon (en phénicien Chimilkât), dit "le Navigateur" et son équipage, partis de Gadès (Cadix), seraient parvenus au pays des Œstrymnides, dont les îles sont « riches en étain et en plomb », après un voyage semé d’embûches : bancs d’algues, brouillards épais, hauts et bas-fonds, et autant de monstres marins personnifiant ses difficultés de navigation.


http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/-strymnides-iles-stanniferes-du-golfe-de-gascogne-et-de-la-manche-8186.htm


La plus ancienne référence du voyage d'Himilcon est une brève mention dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien. Himilcon est cité trois fois par Avienus, qui écrivit un récit poétique sur la géographie au IVe siècle. Ce périple dut avoir lieu vers 450 av. J.-C. environ. Festus Avienus cite comme sources Himilcon lui-même et des annales puniques. Il mentionne une "île sacrée", la "nation des Hibernes", l'"île des Albions".






Iles Électrides, à cause des propriétés d'électricité statique de l'ambre de la Baltique

De ce qui précède, on ne sait finalement pas grand chose, mais :
 

• Himilcon devait être carthaginois. S'il est parti de Gadès, au-delà des colonnes d'Hercule ( Gibraltar ), et non de Carthage, c'est peut-être pour échapper au "contrôle technique" égyptien qui exigeait que tous les navires laissent une copie de leur livre de bord à la Grande Bibliothèque d'Alexandrie. L'étain était un métal stratégique qui, allié au cuivre de Chypre, servait à faire des objets en bronze, en particulier des armes.
 

• Le nom phénicien d'Himilcon se termine en "kât", une racine qu'on trouve dans des sites littoraux marocains, et encore plus bretons.
 

• Après vint-cinq ans de fouilles à Ouessant, on comprend qu'il s'agissait d'un sanctuaire européen, une "île sacrée", qui pourrait être une "concurrente" de l'Irlande, que citent sans trop de conviction de nombreux auteurs.


http://phenicienkersco.blogspot.fr/search/label/a%2013%20-%20Ouessant%20sacr%C3%A9eLien a 13 Ouessant sacrée
 

• Les îles oestrymnides ne seraient que les îles Cassitérides, peu à peu englouties dans la montée des eaux de l'Océan Atlantique, au large de l'estuaire de la Vilaine.


http://phenicienkersco.blogspot.fr/search/label/7%20-%20L%27EMPIRE%20COLONIAL%20DES%20PH%C3%89NICIENS
 

• Les bancs d’algues, brouillards épais, hauts et bas-fonds sont significatifs des côtes bretonnes. Rappelons que la navigation était interdites l'hiver, jusqu'à la construction de phares et balises.
 

• Enfin les monstres marins étaient un bon prétexte pour décourager d'éventuels suiveurs. Idem pour les mers sans un souffle de vent. Ceci n'a pas empêché le massaliote Pythéas de tenter sa chance vers - 320 avant J.-C.  dans cette "ruée vers l'étain". Et peut-être d'autres encore qui ont fini dans les poubelles de l'Histoire.




 Illustration extraite du livre "Les aventures du capitaine Magon"


Mais qu'allait donc faire cet Himilcon dans les brumes du nord ? Son voyage était-il commercial ou diplomatique ?

On est réduit aux hypothèses ; En voici une :

Les Celtes viennent de prendre le contrôle de l'Europe. Le commerce traditionnel avec les Vénètes ( Morbihan ) et les Osismes ( Finistère ) à qui les Méditerranéens sous-traitaient le commerce de l'étain est en passe d'être contrôlé ou menacé par les peuples du Nord. S'agissait-il des "peuples de la mer", ancêtres des Vikings ? Ces "peuples de la mer" étaient déjà venu en Méditerranée, et s'étaient déjà attaqués aux Égyptiens.
Plutôt que de jouer au Voyageur représentant placier, rôle commercial inutile, Himilcon n'aurait-il pas été le représentant diplomatique de Carthage pour faire des traités de paix et d'amitié avec ces fameux peuples du nord ?

Donc, Himilcon part avec une flotte conséquente - et voilà pourquoi plusieurs siècles plus tard on en parle - , prend contact avec la colonie lusitanienne et remonte vers l'Armorique, où vraisemblablement il réorganise la ceinture d'entrepôts carthaginois en bordure de la côte, s'adjoint des pilotes osismes qui le conduiront vers les territoires du roi de Thulé envahis par les brumes.

Mais surprise ! Là où les pilotes du sud sont désemparés devant le ciel brumeux persistant sans étoile polaire, ayant en quelque sorte perdu le nord, les Nordiques sont à l'aise : les capitaine n'ont pas de boussole, mais une pierre transparente. Ils leur suffit de tourner la pierre jusqu’à ce qu’elle devienne plus claire pour obtenir la direction du soleil ( surtout l'été ). Cette propriété serait à l’origine du nom, attribué par les peuples scandinaves, à la cordiérite « pierre du soleil» ou  « boussole des Vikings ».

C'est ce que nous avons nommé "l'étoile des brumes". On ne saura sans doute jamais pourquoi cette pierre sera restée si modeste malgré cette fantastique faculté qu'elle a de pouvoir symboliser, à la fois l'eau, par son rayon bleu, le soleil, par son rayon jaune et la terre, par son rayon brun. La cordiérite, ou iolite est, en effet, une pierre trichroïque qui envoie chacun de ses rayons dans une des trois dimensions de l'espace. Cette propriété, rare en gemmologie, s'apprécie facilement en faisant bouger la pierre en tous sens.

On trouve la cordiérite ( ou iolithe ), au Sri Lanka, en Birmanie, au Brésil, en Afrique et dans les pays de l'Europe du Nord.


La cordiérite fut décrite par le minéralogiste Lucas en 1813. Elle est dédiée à l'ingénieur, géologue et minéralogiste français Louis Cordier qui en a fait la première description sous le nom de dichroïte.





Il est vraisemblable que Himilcon n'a pas ramené de cordiérite de son périple, secret professionnel oblige. En revanche, on n'a plus entendu parler des  peuples du Nord, surtout pas par Jules César, jusqu'à que leurs descendants Vikings envahissent le sud, en particulier la Bretagne, avec leur paradis peuplé de Walkyries. Il faut dire qu'ils ont aussi parcouru les territoires qu'ils ont nommés "russes", descendant les fleuves jusqu'à l'Azerbaïdjan, mais ceci est une autre histoire.